B. Studer u.a. (Hrsg.): Parler de soi sous Staline

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Titel
Parler de soi sous Staline. La construction identitaire dans le communisme des années trente


Herausgeber
Studer, Brigitte; Unfried, Berthold; Hermann, Irène
Erschienen
Paris 2002: Editions de la Maison des Sciences de l'Homme
Anzahl Seiten
210 p.
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Fayet jean-françois, Geschichte, Universität Genève

Longtemps perçue comme une société composée d’êtres silencieux et passifs, paralysés par la peur et étouffés par l’omniprésence des paroles officielles et des slogans publics, la société stalinienne révèle désormais par le biais de ses archives, la récurrence et l’extrême variété des paroles individuelles et du discours de soi. Mais au-delà de l’accès à de nouveaux types de sources – rapports sur l’état de l’opinion publique, documents autobiographiques, comptes rendus de séances de critique et d’autocritique, aveux, déclarations de loyauté, écrits privés et collectifs – provenant des archives ex-soviétiques, la récente multiplication des ouvrages portant sur la quotidienneté stalinienne révèle l’importance du «tournant culturel» (p. 6) effectué par l’historiographie post-soviétique du communisme. Un tournant qui, en s’intéressant à «l’approbation, la participation et la loyauté» (p. 1) d’une partie de la population à l’égard du stalinisme refuse, à la suite de l’école révisionniste, la thèse de «l’école totalitaire» d’un pouvoir unilatéralement répressif exerçant son autorité de haut en bas, sans initiative ni participation de la base. Il s’agit donc d’une approche extrêmement stimulante – notamment par sa volonté de poser la question de l’autonomie des acteurs –, mais qui ne va pas sans poser quelques questions, en particulier sur l’applicabilité du concept foucaldien de «techniques de soi» – entendu comme des «modes institués de la connaissance de soi [...] qui sont proposés ou prescrits aux individus pour fixer leur identité, la maintenir ou la transformer [...] grâce à des rapports de maîtrise de soi sur soi ou de connaissance de soi par soi» (M. Foucault, «Le sujet et le pouvoir», cité p. 8) – au contexte de l’URSS stalinienne.

Résultat d’un colloque ayant réuni, en octobre 1999 à la Maison des sciences de l’Homme de Paris, une quinzaine de chercheurs en sciences humaines autour de la question de l’importance des différentes formes du «parler de soi sous Staline» dans la construction d’une identité communiste, cet ouvrage à l’avantage d’offrir, dans un format restreint, un assez large éventail des travaux qui s’inscrivent dans cette thématique. Dans l’introduction, très programmatique, B. Studer rappelle qu’au-delà des désaccords méthodologiques l’enjeu est d’éclairer «un aspect de la capacité d’intégration du stalinisme» et ses «ambiguïtés» (p. 1): la parole autobiographique dans ses différentes formes et ses multiples usages. Le premier de ces usages est de permettre à l’appareil d’Etat de connaître, et donc de contrôler ses sujets en les encourageant à parler d’eux, de leur vie, de leurs aspirations: c’est la «fonction d’objectivation» (p. 2). Un autre usage de la parole autobiographique est de vérifier l’intériorisation individuelle des normes collectives constitutives de cette «civilisation» stalinienne selon la formule de S. Kotkin (Magnetic Mountain. Stalinism as a Civilization, Berkeley, University of California Press, 1995). Les paroles individuelles s’inscrivent, enfin – c’est l’hypothèse du colloque – dans un processus «d’élaboration du soi» (p. 7). Il s’agit donc «d’actes de subjectivation» même si, comme le reconnaissent les organisateurs, la société stalinienne avait justement pour spécificité de «rejeter la notion d’individualisme» (p. 7). «Parler de soi» se serait donc aussi dans une perspective foucaldienne «travailler sur soi» pour «forger son identité dans ce processus» (p. 9). Mais ces pratiques font-elles sens dans le contexte du régime stalinien? La question reste ouverte car si pour le philosophe Urs Marti l’objectif principal des techniques de soi n’est dans ce contexte «pas la purification ou l’élévation, mais plutôt leur instrumentalisation pour les desseins du parti» (p. 44), les historiens font de cette notion un usage «plus pragmatique» (p. 34), considérant que les efforts déployés par les citoyens soviétiques pour intégrer les valeurs du régime relèvent bien d’un processus d’amélioration de soi entendu dans son acception la plus large. Organisé en quatre parties, toutes utilement précédées de textes introductifs rédigés par I. Herrmann, l’ouvrage présente ensuite différentes formes de «thématisation» – ou de représentation – de soi, comme les autobiographies, les autocritiques, les journaux intimes et publics.

La première de ces formes de narration de soi est l’autobiographie. Cette catégorie comprend les enquêtes (liste de questions précises) et les autobiographies de parti proprement dites. En s’appuyant sur l’autobiographie rédigée en mai 1936 par une haute responsable du parti de Leningrad dénommée A. Plotnikova, Sheila Fitzpatrick – par ailleurs auteur d’un ouvrage récemment traduit sur Le stalinisme au quotidien, Paris, Flammarion, 2002 – révèle les ressorts de la construction identitaire à l’époque du stalinisme. Dénoncée pour avoir «caché» ses origines capitalistes (kulak), cette «femme ordinaire» ayant parfaitement réussi son intégration à la société soviétique doit, par l’écriture de son autobiographie, convaincre ses interlocuteurs de ses origines prolétariennes afin de conserver sa position. La contreenquête menée par la police politique laisse apparaître des doutes sur son récit, des doutes qui auraient pu avoir les plus graves conséquences pour A. Plotnikova, mais son appartenance à un «cercle de famille» (un système de protection basé sur l’amitié et la réciprocité) auquel appartient aussi son juge, lui permet d’obtenir la reconnaissance de la conformité de son identité sociale. Alors que la contribution de S. Fitzpatrick se concentre sur l’autobiographie comme instrument de mise en conformité avec les normes dominantes, celle de C. Pennetier et B. Pudal s’intéresse au travail d’objectivation. S’appuyant sur l’examen de quelque 500 autobiographies institutionnelles rédigées par des responsables communistes français dans les années trente, ces auteurs qui ont eux-mêmes dirigé un ouvrage collectif sur les formes de parler de soi du stalinisme –Autobiographies, autocritiques, aveux dans le monde communiste, Paris, Belin, 2002 – cherchent à identifier les critères d’évaluation retenus par la commission des cadres chargée de classer ces récits de vie en cinq catégories, allant des «bons et loyaux sujets» (A) aux «mauvais éléments» (D) du stalinisme. Parmi les différents critères de disqualifications, les auteurs retiennent ceux qui relèvent des «dérives politiques», ceux qui portent sur «l’inexpérience et les insuffisances» et ceux enfin qui concernent les intellectuels, «suspects par essence» (p. 79), tout en reconnaissant que les catégories du jugement communiste sont complexes et évolutives. S’il permet de dessiner les contours d’un capital politique, un capital qui dans le contexte du stalinisme fonctionne comme un mode de différenciation et de hiérarchisation sociale, le récit autobiographique peine pourtant à révéler la complexité de l’individu et son «mode d’adhérence spécifique» au parti (p. 92). Car au fur et à mesure que la pratique se généralise, les récits se font plus stéréotypés, contribuant ainsi à l’élaboration d’un sujet communiste aussi idéal qu’irréel.

Mais les formes les plus récurrentes, et les plus étudiées, de la narration de soi dans la société stalinienne sont la critique et surtout l’autocritique effectuée dans les réunions de cellule, en particulier pendant les campagnes d’épuration, d’échange ou de vérification des cartes de membre du parti. S’inspirant des concepts de la sociologie des religions de Max Weber, Klaus-Georg Riegel, qui est l’auteur de nombreux textes sur les rituels de confession au sein du mouvement marxiste-léniniste, étudie les modes de transfert du sacré (la «communauté des virtuoses» calvinistes) au profane (les cadres communistes) afin d’appréhender le type de légitimité des dirigeants. Mais, alors que les révolutionnaires russes de Tchernychevski à Lénine, par leur constant souci d’auto-amélioration, participaient bien à une certaine forme de «communauté des virtuoses» – celle des «moines révolutionnaires» confessant leurs fautes parmi leurs pairs par le biais de la critique et de l’autocritique – les cadres de la période stalinienne qui appartiennent à une communauté institutionnalisée – l’Etat-parti soviétique – semblent moins chercher à s’amender qu’à convaincre de leur conformité au modèle dominant. Ce raidissement, symbolisé par les purges, nous empêcherait dès lors de considérer les autocritiques comme des repentirs sincères. Rituel formel, l’autocritique n’est dans ce contexte qu’un témoignage «de soumission à l’égard de l’institution», sans aucune dimension éthique (p. 113). A l’inverse de cette approche, et de sa conclusion, le politologue Oleg Kharkhordin (The Collective and Individual in Russia. A Study of Practice, Berkeley, Berkeley Univ. Press, 1995) s’intéresse dans une perspective foucaldienne aux purges comme lieu d’individualisation et de travail sur soi. L’auteur commence d’ailleurs par rappeler que la pratique de la confession publique et de la mise en accusation, elle aussi publique, du pécheur, connue en Russie sous le terme d’oblichenie, avait été maintenue par l’Eglise orthodoxe alors qu’elle avait depuis longtemps été supprimée en Occident. Entendus comme des révélations de soi, les critiques et les autocritiques de la période stalinienne s’inscriraient donc dans la continuité de pratiques religieuses locales, déjà réactivées par les radicaux des années 1860. Mais en passant progressivement de critères catégoriels (l’origine sociale) à des critères relevant de la pratique individuelle (l’engagement personnel en faveur de la cause et rapidement la dénonciation de camarades), les purges et les campagnes staliniennes de vérifications des cartes renouaient ainsi avec les caractéristiques de la «révélation par les actes» propre à l’oblichenie. Selon l’auteur, elles auraient aussi contribué à la formation d’individus autonomes (p. 142). La difficile adaptation des communistes étrangers à ce qui ne serait donc qu’une pratique aux origines locales fait l’objet de la contribution de l’historien Berthold Unfried, co-éditeur du présent recueil et co-auteur avec B. Studer d’une monographie consacrée aux cadres étrangers du stalinisme (Der stalinistische Parteikader: identitätsstiftende Praktiken und Diskurse in der Sowjetunion der dreissiger Jahre, Köln/Weimar/Wien, Böhlau, 2001). A l’exception probable du PCF, les PC occidentaux ne connaissaient pas «ce système sophistiqué de gestion du personnel» représenté par les purges et les campagnes de vérification des cartes et il leur fut plus difficile d’intégrer les codes de l’autocritique. Dans un premier temps, ces élèves en bolchevisme étaient surtout choqués de l’importance prise dans les critiques et les autocritiques par des thèmes relevant traditionnellement de la sphère privée (comme le «comportement à l’égard des femmes»), puis progressivement par la forme délatrice des critiques («l’autocritique est liée à la critique d’autrui»), et enfin par l’instrumentalisation de ces paroles dans la Grande terreur. Cibles privilégiées d’un pouvoir obsessionnellement paranoïaque et xénophobe, les communistes étrangers endossent alors l’identité – bien peu individuelle – du traître. Dans ce contexte, la peur d’être arrêté prend le pas sur l’obligation de vérité, et le discours de soi n’est plus «autocritique que dans la forme» (p. 159).

La dernière forme de thématisation de soi est celle des journaux intimes et des journaux publics, une catégorie ambiguë, regroupant sous le même terme (dnevniki en russe) des pratiques qui relèvent de l’initiative personnelle et des commandes effectuées par des institutions. Jochen Hellbeck – éditeur du journal intime de Stepan Podlubnyj, Tagebuch aus Moskau 1931–1939, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1996, et auteur d’une thèse sur l’activité diariste à l’époque stalinienne – interroge une centaine de ces journaux intimes qui étaient plus répandus que nous ne l’imaginions. Ce texte «de soi pour soi» permet à son auteur, en même temps qu’il constitue un exercice d’«autodisciplination», de s’impliquer dans un vaste projet de société (la construction socialiste) en privilégiant le côté public de sa personnalité. Dans les récits figure ainsi de façon récurrente l’idée d’une renaissance de l’auteur qui, au terme d’intenses luttes «contre les désordres de l’âme» (p. 179), émerge sous la forme d’un citoyen soviétique en phase avec le collectif. Si cette pratique, qui comporte toujours un risque de glissement vers des considérations individualistes et «petites-bourgeoises», fut toujours regardée de façon ambivalente par le pouvoir, celui-ci encouragea largement le journal dit de «production», comme le Journal du Métro de Moscou qui fait l’objet de la contribution de Josette Bouvard. Dans le cadre d’un projet initié par Gorki et Kaganovitch, qui partait de l’idée, chère à Pokrovskij, que l’Histoire devait être écrite par ceux qui font l’actualité, le régime encouragea en effet les ouvriers du métro de Moscou à faire le récit de leur travail. Entreprise mémorielle collective, devant favoriser la mobilisation symbolique de la population autour des grands travaux, cette Histoire du Métro devait aussi permettre à ses auteurs de travailler sur eux-mêmes en révélant ainsi leur identification aux valeurs du régime. Or sur les 70 000 personnes sollicitées de 1933 à 1934, 38 personnes seulement rédigèrent des journaux. La «prolétarisation de la narration historique» (p. 194) qui devait abolir la frontière entre le «travail manuel et intellectuel, entre la création et la conscience», aboutit à un échec en raison du caractère trop descriptif et fragmentaire des récits. Malgré l’incitation oppressante des autorités, il n’existe pas de travail sur soi sans «désir personnel et maîtrise de l’écriture» (p. 197).

Il convient après cette présentation de revenir sur quelques problèmes posés par ces différentes formes de parler de soi. Le premier de ces problèmes est lié à ce que l’on pourrait appeler une certaine confusion sémantique. Plusieurs auteurs (cf. par exemple Lorenz Erren dans Jahrbücher für Geschichte Osteuropa, no 50, 2002) ont déjà souligné la tendance des historiens occidentaux à regrouper dans une même catégorie des phénomènes qui relèvent de logiques radicalement différentes. Ainsi les déclarations individuelles de repentir des oppositionnels des années 20 n’ont-elles rien en commun avec le phénomène collectif des critiques et des autocritiques. L’expression «autocritique» aurait d’ailleurs été importée durant les années 20 de la langue allemande au Russe, ce qui laisserait supposer que cette pratique n’avait pas de tradition au sein du bolchevisme. Dans un premier temps, les critiques et les autocritiques étaient synonymes de «critiques utiles à la société» et ce n’est que dans la tourmente des années 30 que ce phénomène prit la forme de dénonciations personnelles et bientôt d’aveux. Au-delà des différentes formes de parler de soi, individuelles ou collectives, il convient d’être extrêmement attentif à la période – avant, pendant, après la Grande Terreur – durant laquelle sont produits ces discours.

L’utilisation d’une même expression – le stalinisme – pour caractériser l’Union soviétique et les partis communistes imprégnés de ces valeurs et de ces pratiques (p. 33) pose elle-même quelques questions. Peut-on véritablement lire de la même façon les autobiographies et les autocritiques des communistes étrangers, qui évoluent dans des «sociétés totalitaires ouvertes» (E. Goffman) – les PC qui ne sont pas au pouvoir – et celles des citoyens soviétiques dont la marge de manoeuvre est beaucoup réduite? Dans le premier cas, l’adhésion à ces entreprises de sens que sont les PC entraîne une rupture avec la société environnante et elle implique bien un certain travail sur soi, dans l’autre il s’agit au contraire d’un acte de conformisme social, motivé par des considérations moins éthiques.

Enfin ces pratiques de subjectivation de soi, que Foucault envisageait pour sa part comme «réfléchies et volontaires» (M. Foucault, Histoire de la sexualité, T. II: «L’usage des plaisirs», cité p. 36), apparaissent dans le contexte soviétique de l’époque stalinienne comme n’étant pas spontanées, et encore moins libres. Pour la plupart les différents récits individuels sont des textes totalement ritualisés et codés, qui s’apparentent surtout à des mécanismes d’autodiscipline, de mise en conformité et de reconnaissance publique de cette conformité. On est bien loin du dessein initial de Foucault dont les instruments étaient explicitement destinés, comme le rappelle Urs Marti, à «court-circuiter, disqualifier, casser les systèmes de pouvoir» (p. 35). Ainsi de qui parle-t-on lorsqu’on prétend parler de soi sous Staline? Parle-t-on d’ailleurs vraiment de soi en toutes circonstances, en particulier lors des interrogatoires du NKVD, car malgré la contrainte il y aurait «présentation de soi tout de même» (p. 14)? S’agissant d’hommes torturés, auxquels le pouvoir veut faire endosser des identités fantasmagoriques, cela semble très discutable. Ces formes de parler de soi, presque toutes institutionnelles à l’exception des journaux intimes, représentent-elles donc autre chose que des illustrations, ou des représentations, de deux modèles identitaires types qui n’ont rien de singulier: celui de «l’homme nouveau», ce rouage de la machine totalitaire pour lequel il n’existe pas de distinction entre vie privée et vie publique, entre identité personnelle et identité sociale, et sa contrepartie non moins fabriquée, le traître. «Le Soviétique ainsi dessiné» a-t-il vraiment existé, ou n’est-il pas plutôt une virtualité, fruit d’un compromis entre les objectifs affichés du régime et des pratiques individuelles de plus en plus marquées par un double discours, fut-il de soi?

Malgré ces quelques réserves, d’ailleurs en partie débattues dans plusieurs contributions – regrettons à cet égard que les discussions qui furent certainement passionnantes entre les communicants n’aient pu être reproduites, l’ouvrage atteint parfaitement son objectif: l’approche «microphysique du pouvoir» (p. 3) proposée dans l’introduction conforte bien la thèse d’une rupture relative de la période stalinienne avec les pratiques antérieures, une rupture qui n’aurait pu être mise en oeuvre sans une certaine forme d’adhésion de la population. C’est certainement à ce niveau que se situe l’une des explications de la pérennisation du régime.

Citation:
Jean-Francois Fayet: compte rendu de: Brigitte Studer, Berthold Unfried et Irène Herrmann (éds): Parler de soi sous Staline. La construction identitaire dans le communisme des années trente. Paris, Maison des sciences de l’Homme, 2002. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 54 Nr. 4, 2004, p. 460-465.

Redaktion
Veröffentlicht am
17.01.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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